Durant le confinement, Patate Douce et moi avons poursuivi notre correspondance. Au début, je trouvais ça sympa d’avoir quelqu’un qui pensait à moi autrement qu’amicalement, mais petit à petit c’est devenu agaçant.
Alors que je lui demandais régulièrement comment il allait, lui ne me retournait pas la question et surtout j’étais saoulée par nos échanges d’une banalité mortelle ponctués de sa part de nombreuses allusions sexuelles, comme d’habitude. Ça me gonflait, je ne voyais pas où me menait cette relation, je n’avais pas envie d’être uniquement son quart d’heure « minitel rose ».
Je n’étais pas certaine de pouvoir me contenter d’un plan cul avec des échanges très pauvres. Plus le confinement avançait, plus je me disais que c’était peut-être l’occasion pour moi de faire le point sur ce que je ne voulais pas et que peut-être il ne me convenait pas. Je lui ai fait comprendre de façon très claire que je le ressentais comme étant un « fuckboy », que tout allait bien quand je me pliais à ses exigences, sinon tout se compliquait. Je voulais qu’il reconnaisse que j’étais son plan cul, en vain. Il s’est défendu en disant que j’étais pétrie de préjugés, qu’il pensait me taquiner gentiment, qu’il arrêterait si ça me dérangeait, qu’ effectivement il n’était pas très intéressant par écrit et encore moins par sms…
Bref, il a tout donné, j’ai même eu droit au summum du compliment pour me convaincre de continuer : « On rigole bien »… Il a enchaîné avec une tirade en jouant sur les mots comme si on était un couple, en disant qu’il ne voulait pas « que le confinement ait raison de nous », qu’il avait envie de me revoir. J’ai fini par un message très brut et méchant dont j’ai le secret et pour la première fois je l’ai senti bien énervé lorsqu’il a répondu : « Reste avec tes préjugés ». J’ai culpabilisé et lui ai répondu… Etait-ce la peur de passer à côté de quelqu’un de bien ? Etait-ce la peur de ne plus avoir de date sur le feu ? Etait-ce de la vulnérabilité exacerbée par le Covid ?
Les échanges se sont alors poursuivis, il s’ouvrait davantage, me partageait des photos de ses voyages, des lieux qu’il était en train de visiter. Fin mai, on s’est dit qu’il serait bon de se revoir, lui était en télétravail une semaine sur deux et en profitait pour travailler depuis l’étranger, moi j’étais concentrée dans mes recherches d’appartement et je n’avais pas très envie de recroiser son petit lit inconfortable. Mais le courant passait bien, j’avais envie de le revoir, j’étais prête à me faire une raison. Or, à nouveau il n’était pas disponible… Une nouvelle fois frustrée, j’ai clos la conversation de façon brutale, en menaçant de le bloquer, lui comme d’habitude prenait les choses à la légère, faisant comme si de rien n’était, ce qui m’énervait encore plus. Puis, deux jours plus tard, j’ai culpabilisé (encore !) et trouvé mon énervement disproportionné, alors je lui ai présenté des excuses.
En juillet, j’ai déménagé dans un appartement pour y vivre seule (enfin !), c’était aussi l’occasion pour moi de le revoir dans mes conditions. Je n’avais pas de lit double, mais j’avais un très grand convertible, ce qui est déjà mieux. On s’est alors revus peu après mon emménagement. L’avantage avec Patate Douce c’est que, pour une fois, malgré mes « crises » qui pourraient laisser croire à un fort attachement, je n’arrivais pas à m’envisager sérieusement avec lui. Il s’exprimait mal surtout à l’écrit, je le trouvais bête, je n’arrivais pas à l’admirer, à part pour le sport éventuellement et encore, il se plaignait tout le temps de ne pas en faire assez. Résultat : sexuellement, je ne me posais pas de question, je ne me demandais pas ce qu’il pouvait penser de moi, je me lâchais complètement, du coup le sexe était bon. Cependant, comme beaucoup d’hommes biberonnés au porno, il se concentrait sur la performance, il avait naturellement une bonne endurance, mais il en faisait trop, il se complaisait à « taper dans le fond » comme il l’a reconnu lui-même et était un peu limite niveau consentement. Autant il était à l’écoute, me demandait ce que je voulais, à côté de ça il était difficile à stopper. Il m’épuisait. Je l’avais remarqué la première fois, mais je m’étais dit que c’était justement parce que c’était la première fois, que ça faisait partie des petits couacs.
Cette fois-là, je lui ai dit qu’il se comportait mal, il s’est défendu en disant que ce n’était pas de sa faute, que mon corps était trop désirable, qu’il ne pouvait pas résister. Bref : c’était de ma faute… J’étais embêtée, je ne pouvais pas nier que c’était un des meilleurs partenaires sexuels que j’avais eus et en même temps je ne voulais pas être traitée comme une poupée. Après lui en avoir parlé de vive voix, j’ai remis une couche par écrit, j’étais contente de moi. On s’est revus une nouvelle fois, nos corps communiquaient toujours aussi bien, mais il n’a pas tardé à redevenir malsain. Je me suis énervée, il a tenté de calmer le jeu en disant que c’était à cause de mes seins, mais j’ai insisté pour en parler sérieusement. Il m’a dit que s’il agissait comme ça c’était parce qu’il avait remarqué que j’étais indécise (ce qui est vrai, mais n’excuse rien), puis il était gêné et m’a dit : « j’aime pas quand tu dis ça parce que si tu dis que c’est moi qui insiste alors que t’as plus envie, ça veut dire que je fais un truc pas bien »… sans oser prononcer les mots litigieux.
Je l’ai revu une dernière fois, je ne me suis pas laissée faire. Non, c’est non, ce soir-là je n’ai pas cédé pour avoir la paix. Je lui ai expliqué qu’on ne se reverrait plus, que je n’avais pas envie d’être accro à cette forme de sexe malsaine, que j’avais envie d’un autre genre de relation, plus respectueuse, plus engagée. Il m’a répondu que j’arrêtais parce que j’étais amoureuse. Ce n’était pas le cas, c’est juste que je le prenais beaucoup dans mes bras parce que j’adore les câlins et que les hommes comme lui considèrent ces gestes comme des sentiments naissants. J’étais surtout en manque de contacts rapprochés.
Ne me prenant pas au sérieux et persuadé que je ne pourrais pas lui résister très longtemps, il a recommencé à m’écrire une semaine plus tard. Je suis restée calme et polie, je répondais mais n’allait pas dans son sens. Sentant que je lui échappais, il s’est mis à m’appeler, chose qu’il refusait catégoriquement de faire précédemment. Une fois, notre conversation a duré plus d’une heure, j’ai notamment appris qu’il y avait une autre fille qu’il voyait régulièrement depuis près de 2 ans. J’ai eu envie de me désinfecter à la Javel. J’ai mieux compris son retour étrange en début d’année, sans doute que la régulière n’était pas disponible. Après tout ce qu’il m’avait fait, son manque de respect envers moi, ses mensonges, je n’avais plus envie. J’en savais trop, il m’écoeurait.
Quelques semaines plus tard, à mon retour de vacances, il s’est à nouveau manifesté et là je l’ai rembarré sans concession, en lui disant qu’il pouvait effacer mon numéro. J’étais guérie de cette relation malsaine. C’était la fin de l’été.