J’ai répondu à son message, pleine d’enthousiasme et d’envie de lui faire comprendre qu’il me plaisait, à coup de « c’était un plaisir de passer la soirée avec toi » et de « j’espère te voir à la prochaine séance », ce à quoi il a répondu « Compte sur moi ! ».
Maintenant que j’avais eu mon signe, tout ce que je voulais c’était le revoir.
Or, le lendemain, on apprenait la mise en place imminente d’un couvre-feu de 21h à 6h… Par conséquent, plus de ciné-club jusqu’à nouvel ordre. On en a parlé aussitôt, il m’a dit qu’il partirait sans doute passer ses week-end dans le Nord (d’où il est originaire).
Moi, jamais à court d’imagination pour parvenir à mes fins, je lui glisse alors que si, par hasard, il décidait d’aller au cinéma un de ces jours voir Drunk par exemple, ça m’intéressait. Il a répondu que ça allait être compliqué pour lui, mais qu’il en prenait note. Oups, petit vent… A ce moment-là, je me dis que le crush est peut-être unilatéral, mais en même temps il n’a pas dit non. Il m’explique juste avant qu’il a l’intention de partir tous les week-end, il vit à plus de 40 kilomètres du centre de Paris, on est en plein couvre-feu, dans ce contexte me répondre « c’est compliqué » est somme toute assez logique et simplement un fait. N’empêche, je pense que quand t’as un coup de coeur pour quelqu’un, ce qui t’importe c’est de le revoir au plus vite. Du coup, tu peux envisager de décaler un week-end dans le Nord, surtout quand le couvre-feu est amené à durer (déjà à l’époque…).
Un peu déçue mais pas certaine de son indifférence envers moi, je refusais de m’avouer vaincue. Depuis, Teddy et moi avons entretenu une correspondance qui dure jusqu’à ce jour. J’aimerais vous dire que la situation a tellement évolué que j’ai tant de choses à raconter, que mon intuition était bonne et que j’expérimente enfin ce que c’est que de vivre une relation saine, fluide, et simple. Mais non, en presque 4 mois, on en est sensiblement au même point.
Alors pourquoi continuer, me direz-vous ? Déjà, le contexte : après le couvre-feu, il y a eu le confinement, puis les fêtes de fin d’année, puis re-couvre-feu, puis couvre-feu durci, avec son lot d’établissements fermés. Vraiment, on n’a pas été aidés par la crise sanitaire et la distance, aussi. Mais, lui avait quand même la possibilité de faire fi de certaines limites imposées par le couvre-feu/confinement, grâce à des attestations dérogatoires justifiées par ses missions professionnelles. Il m’a dit lui-même que ça lui permettrait d’aller dans le Nord sans embûche, en revanche s’en servir pour me rendre visite à Paris ne semblait pas être dans ses plans. J’en demande trop ? Peut-être.
N’empêche qu’on n’a même pas passé le cap de l’écrit à la voix, voire à la visio. On s’en est tenus à la correspondance, comme si le reste n’existait pas, comme si le reste était trop compliqué à mettre en place. Or, c’est faux.
Fort heureusement, il ne s’agit pas d’une correspondance quotidienne, toutes les quinzaines tout au plus au début, puis récemment une à deux fois par mois. Oui Teddy, car je n’avais pas envie que tu prennes trop de place et je suis contente d’avoir réussi à ne pas trop donner de ma personne pour maintenir ces échanges, même si j’ai quand même beaucoup donné, surtout au début où je me renseignais sur toutes les sorties possibles et imaginables pour trouver une excuse pour se recroiser.
Toutefois, dans nos échanges, je trouve qu’un certain équilibre a pu s’instaurer, tu as presque autant initié la conversation que moi et je crois même que tu es celui qui a le plus relancé les discussions. Une fois, j’ai voulu savoir si toute cette histoire n’était que dans ma tête et j’ai arrêté de t’écrire, lassée. Puis tu es revenu vers moi, quelques semaines plus tard, me donnant à nouveau le signe que j’attendais. Tu l’as refait quand tu m’as écrit au nouvel an alors qu’on ne s’était pas écrit depuis des semaines. Ca m’a fait tellement plaisir que tu penses à moi, j’ai cru comprendre en te lisant que ce n’était pas évident pour toi d’initier la conversation, de trouver une « excuse » pour le faire et j’étais touchée que tu aies l’air de faire un effort pour moi.
Seulement, je commence à me lasser de ce chaud-froid perpétuel, de ces semaines d’attente avant qu’il se passe quelque chose et que ce quelque chose ne soit en fait pas grand chose. Tout ça me chamboule, me remue et m’épuise. J’ai l’impression de passer mon temps à me poser des questions.
Depuis plusieurs jours, j’avais envie de t’écrire. Je sais que tu es en plein déménagement et changement de poste et donc que tu es bien occupé. Seulement, si je n’étais pas allée à la pêche aux informations, je n’aurais rien su. Des semaines de correspondance et quand tu pourrais m’annoncer des trucs cools, du genre : « hey je n’habiterai bientôt plus à 47 kilomètres de chez toi, mais seulement à une dizaine, ça se fête ?« , tu ne saisis pas l’occasion. Alors, je ne sais plus.
Samedi dernier (hier), faute de nouvelles quant à ton déménagement, j’étais tiraillée. Je ne voulais pas te donner l’impression de me brader, de mendier un peu d’attention et en même temps j’avais envie de t’écrire.
Puis, je me suis demandée ce que je ferais si je ne prenais pas en compte ce que j’étais censée faire selon la société, à savoir le laisser revenir tranquillement. J’ai finalement décidé de m’écouter et je t’ai écrit un truc très simple « Bien installé ? ». Il était 20h environ, s’en est suivi un long échange qui s’est achevé vers 1h30 du matin. J’ai adoré cette conversation, j’ai eu l’impression d’en apprendre un peu plus sur toi, comme ce jour où tu m’as confié que tu postulais à un nouveau poste. Tu m’as raconté combien ta semaine avait été chargée entre le déménagement, tes nombreux déplacements professionnels et ça m’a alors semblé normal que tu ne m’aies pas donné de nouvelles. Il suffisait de demander.
Vers la fin de notre long échange, tu m’as demandé dans quel arrondissement j’habitais. J’étais contente parce que ça a eu l’air de t’intéresser, tellement contente que je t’ai répondu spontanément : « Tu t’y intéresses enfin un peu », suivi d’un smiley clin d’oeil parce que je ne suis pas si sauvage. Là, je me suis dit qu’il se passait un truc. Et bien sûr, c’est le seul message auquel tu n’as pas répondu ce soir-là, je ne doute pas que tu tombais de sommeil mais j’aurais aimé que tu puisses y répondre avant de t’endormir.
Le matin, à ma grande surprise, tu n’as pas ignoré ma réaction, alors que tu aurais pu relever bien d’autres choses dans mon message. Tu m’as demandé : « Tu t’attendais à ce que je te le demande plus tôt ? » suivi d’un smiley clin d’oeil, qui nous est décidément bien utile. Décontenancée, j’ai passé, sans exagérer, 30 minutes à me demander ce que j’allais bien pouvoir te répondre. Je me disais : dis la vérité, il t’offre une occasion en or là. Et d’un autre côté : mais il ne va pas comprendre, il va prendre peur. Du coup, j’hésitais entre te répondre : « Oui, parce que ça veut peut-être dire que c’est important pour toi et venant de toi c’est flatteur » ou « Oui, parce que moi je suis curieuse et que c’est important pour moi de pouvoir te situer géographiquement, mais tu l’es moins a priori et c’est ok ». Bon, en y repensant, aucune de ces phrases n’est très claire, mais j’ai choisi la seconde option et je le regrette : 0 ouverture pour poursuivre la conversation, néanmoins une petite prise de risque autour de la notion d' »important ». Et comme pour me donner raison, tu n’as pas répondu à ce dernier message. Depuis, je suis contrariée.
Même sans ouverture, il y avait quand même moyen de relancer la conversation, vu l’importance du sujet et surtout si ça t’a intrigué non ?! Du coup, ça veut dire quoi, que je me suis pris un vent monumental ? Ciao, on s’arrête là jusqu’à la prochaine insomnie ? S’il n’y a rien, pourquoi avoir passé tout ton samedi soir à discuter avec moi, à me poser des questions, à renchérir ? Je sais bien qu’avec le couvre-feu, nous ne sommes pas libres de nos déplacements, mais quand même on aurait pu facilement se contenter de vaquer à nos occupations initiales. Pourquoi on s’écrit depuis des semaines, des mois ? A quoi ça rime tout ça finalement ?
Alors, oui, je mets beaucoup d’énergie dans ma contrariété alors que tu ne m’as rien demandé. Tu ne m’as pas demandé de t’écrire, tu ne m’as pas demandé de t’attendre, tu n’as en réalité pas fait grand chose, mais tu finis toujours par revenir.
Quand j’y pense, cette histoire de question sur l’arrondissement dans lequel je vis est révélatrice du trop plein d’énergie que je suis seule à déployer dans cette histoire. Ca prouve en fait à quel point tu ne m’as jamais envisagée, d’où ton étonnement naïf sans doute quant à ma réaction. L’étonnement de quelqu’un qui n’avait pas vu en moi une petite amie potentielle.
Finalement, je suis contente d’en avoir fait qu’à ma tête et de t’avoir écrit hier soir, je crois que je viens de gagner du temps ou du moins que je vais arrêter d’en perdre, c’est selon. Evidemment, il ne s’agit pas de t’envoyer bouler si demain tu décides de reprendre de mes nouvelles, il s’agit de me ménager, de cesser de déployer tant d’énergie pour rien. Il s’agit d’arrêter de fonder des espoirs dans le néant, de faire ce qui est bon pour moi.
Bien sûr, c’est plus facile à dire qu’à faire et je vais sans doute passer encore plusieurs jours à fixer mon téléphone, en espérant qu’il me notifie de nouvelles réponses de ta part. Il va en falloir de la patience et de la bienveillante, mais je refuse de me mettre « en attente » pour quelqu’un pour qui je ne suis pas une priorité, tout juste une option future et si ça se trouve, même pas.
A compter de ce jour, je n’initierai plus de conversation avec toi, j’arrête de te trouver des excuses. Je te remercie de m’avoir ouvert les yeux en n’ayant pas fait grand chose, il suffit de peu parfois. Je suis contente de t’avoir rencontré, mais triste d’être encore celle qui doit tirer des leçons. Je ne remets pas en question la belle personne que tu sembles être, c’est juste que nous ne sommes pas sur la même longueur d’ondes et il était temps que je l’admette.